Le Bonheur d'être soi

12-11-2023

Le bonheur ne se situe pas dans la réalité extérieure, il ne se réduit pas à la satisfaction de ses vœux, désirs, besoins, en l'absence de tout décalage entre la réalité et son idéal.. Il ne suffit pas d'avoir tout, richesse, beauté, jeunesse, santé pour se donner le droit d'être heureux, si l'on n'est pas soi.. Le bonheur ne renvoie à aucun manque réel de quelque chose ou de quelqu'un, ni à une quelconque méconnaissance qu'il serait possible de pallier concrètement grâce à des recettes, exercices, savoir-faire ou régimes.

Le bonheur vient de nous-même, il représente une disposition, une aptitude interne psychique. Il prend son origine dans cette extraordinaire mais si simple sensation d'exister, dans cette ineffable certitude d'être vivant et entier dans un corps réel. Il se trouve dans le plaisir de vivre, dans le désir et l'"en-vie" d'exister, vivant parmi les vivants, et non dans les plaisirs de la vie.

Que signifie être soi ?

Être soi ne constitue nullement, comme on le croit, à faire "ce dont on a envie", librement affranchi de tout devoir, de toute limite, et de tout sentiment de culpabilité, sans tenir compte de la volonté d'autrui. Cela ne signifie pas non plus, en se plaçant au centre du monde, sans attache et souverain, se couper de ses origines, de ses ancêtres, de son pays, de sa religion, bref, de tout ce qu'on n'aurait délibérément choisi. Paradoxalement, c'est lorsque le sujet se croit le plus libre, incapable de contrôle et de patience, qu'il est le moins autonome psychiquement, le plus prisonnier de sa toute-puissance pulsionnelle, des normes collectives et de la publicité. La liberté excessive invalide et diminue l'autonomie psychique

Être​​​​​​​ soi veut dire s'aimer, s'accepter, se respecter tel qu'on est, dans son corps, son âge et son sexe, en jouissant notamment d'un psychisme séparé, différencié, autonome, dégagé des confusions d'identités, de places, et de fonction, ainsi que des dépendances parasitaires. Lorsqu'on est soi, on ne se trouve ni enclavé par, ni inclus dans le psychisme des autres, bien qu'en étant en lien et en échange avec eux, dans le respect de la différence et de la distance. Ëtre soi pouvoir ressentir, penser, choisir, désirer, décider, s'exprimer en son propre nom, pour son compte propre et de sa vraie place, en étant conscient des enjeux et de ses responsabilités..

Comment le soi apparait-il ?

Mais comment le soi se met-il en place ? Qu'est-ce qui favorise ou entrave son heureuse évolution ? Il se construit au sein du triangle père-mère-enfant à l'aide de deux ingrédients majeurs, l'amour et l'autorité. Le premier lui fournit l'énergie, la seconde l'agence, le régit en lui donnant un sens et en l'inscrivant dans un cadre, des repères et des limites. Le soi s'élabore, sculpté par de multiples processus de différenciation lui permettant de prendre forme et contour en sortant du chaos.

Lorsque l'enfant grandit dans un tel triangle, sa libido parvient à circuler naturellement, d'une manière libre et fluide. C'est bien cette libre circulation de l'énergie vitale à distance des excès nuisibles du "trop" et du "peu" qui procure le bonheur, ce sentiment subjectif et singulier, à nul autre comparable , d'être soi, vivant et entier. A l'inverse, la difficulté pour la libido de circuler librement et de façon fluide, à travers étages et pièces de la maison/soi trouble la certitude et la sécurité d'être vivant et entier dans un corps réel.

Qu'est-ce qui perturbe le développement de soi ?

Le gros rocher, le seul vrai obstacle importunant cette circulation provient de la culpabilité et de la dépression infantile précoce (DIP). Celle-ci apparait essentiellement dans trois situations.

L'enfant se voit personnellement victime, en toute innocence, d'une maltraitance, d'un rejet, d'un désamour, d'un abus sexuel. Il assiste à d'autres moments, en toute impuissance, à la souffrance de ses proches : maladies, dépression, divorce, décès. Enfin en troisième lieu, branché sur l'inconscient de ses parents et donc relié à leurs enfants intérieurs, il accède au "disque dur" de l'héritage transgénérationnel. Il sait, par exemple, sans en avoir conscient, si ses parents l'aiment pour lui-même, dans la gratuité du "désir" ou s'ils ont "besoin" de lui pour "rafistoler" leur union lézardée, remplacer un enfant rappelé au ciel prématurément, ou encore les aimer eux, leur prodiguer l'amour dont ils ont été frustrés dans leur propre enfance. Dans ces derniers cas, il se voit érigé en enfant thérapeute, chargé d'éponger la DIP de ses parents. Les parents n'élèvent donc pas leurs enfants comme ils le croient, par ce qu'ils disent au fond d'eux consciemment, mais par ce qu'ils sont authentiquement au delà des apparences.

Ce désordre ne prédispose pas l'enfant à devenir lui même, puisqu'il se voit très tôt délogé de sa place et fonction légitimes au sein du triangle. Les trois situations s'apparentent en ce qu'elles plongent l'enfant dans un contexte de pénurie narcissique, de famine dont il se croit, bien que victime, coupable, comme si c'était de sa faute si ses parents ne l'aimaient pas ou s'ils ne s'aimaient plus, ou s'ils n'ont pas été aimés dans leurs Ailleurs et Avant. En raison de cette carence narcissique culpabilisante la libido ne peut pas circuler librement en abondance et de façon fluide. Toute dépression renvoie inévitablement à une mort symbolique, à l'existence de fantômes errants.

La libido, afin de circonscrire la DIP? mais également de sauver les autres parties saines et vivantes du psychisme, se voit contrainte de s'emballer, de surenchérir, de s'exciter en sombrant dans l'excès. Dès lors, le sujet n'est plus porté par le "désir" tranquille, serein et gratuit, mais par le "besoin" tendu, crispé, impérieux et vital d'échapper à la mort psychique. Celle-ci apparait sous formes déguisées de l'ennui, de la solitude du vide, de la monotonie contre lesquelles l'individu se mobilise dans le but de museler la DIP. Ainsi, il se met constamment en quête intense, addictive et dépendante d'objets, de personnes, et de substances lui procurant la sensation d'être vivant, entier et réel.

Pourquoi la promesse d'être soi, se voit-elle récompensée par le bonheur ?

Être soi c'est le grain, le bonheur la paille. En cultivant le premier, le sujet obtiendra aussi le second, quoi qu'il arrive de surcroît. S'il est lui même dans sa fonction et place, vivant et entier, à distance de la culpabilité et de la DIP, il ne se trouvera plus dans des situations expiatoires et masochistes d'échecs et d'autopunition. Il ne se sacrifiera plus aux autres, se refusant inconsciemment le bonheur, convaincu d'indignité ou de non-mérite, ou fracassé à l'idée de voler celui des autres., en faisant ainsi leur malheur.

De même, il ne se verra plus contraint d'exister par procuration à travers les autres, en gaspillant son énergie vitale à quémander la reconnaissance, leur regard, leur attention, leurs compliments, par la séduction exhibitionniste ou par l'imitation. il sera porté par le désir gratuit, l'échange et la réciprocité : être ensemble en donnant et en recevant. Il n'aura donc plus "besoin" de son conjoint, de son travail, de son enfant pour exister. Il pourra s'affirmer en s'exprimant grâce à une bonne image et à la confiance en lui-même, ses désirs et croyances, sans masque, sans honte ni timidité. Il osera dire non, donner des limites sans se sentir coupable ou en danger.

Convaincu d'être vivant et entier grâce à la libre circulation de l'élan vital, il sera, alors, capable face aux influences extérieures insidieuses, de réflexion, d'esprit critique, de contrôle et de patience, en se donnant des limites ainsi qu'en supportant un minimum de contrariété. Il saura résister de la sorte à tous les pervers cherchant à l'influencer, à le manipuler, en jouant sur sa corde émotionnelle et en titillant sa culpabilité. La moindre difficulté ne lui apparaitra plus comme une question de vie ou de mort, gravissime, dramatique, susceptible de le démolir et qu'il faudrait donc solutionner dans l'urgence.

En résumé, l'adulte n'est jamais privé de bonheur parce qu'il lui manque quelque chose ou quelqu'un dans la réalité extérieure, contrairement au point de vue que l'idéologie de la surconsommation cherche à imposer aux consciences. Dès lors, il ne servirait à rien de s'épuiser à trouver des solutions extérieures à un problème intérieur, solutions qui, loin de favoriser le bonheur, ne feront que l'éloigner.

Le bonheur se trouve en soi , chez soi, dans sa cave et non pas sans cesse ailleurs, toujours repoussé plus loin. La cruche gît à tes pieds, remplie d'eau fraîche. Pourquoi parcours-tu le vaste monde à la recherche d'une seule goutte.

Bibliographie :

  • Nabati, M (2006). Le bonheur d'être soi. Fayard
  • Tomasella, S (2010). Le sentiment d'abandon. Eyrolles

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